La réindustrialisation en France : Un bilan contrasté entre défis et opportunités

La réindustrialisation est un enjeu crucial pour la France, tant sur le plan économique que stratégique. Après plusieurs décennies de désindustrialisation, la France a mis en place divers dispositifs pour inverser cette tendance, en soutenant la création de nouvelles usines et en promouvant l’innovation industrielle. Cependant, les résultats du premier semestre 2024 révèlent un bilan mitigé, marqué par des fermetures d’usines, des délocalisations, mais aussi des signes encourageants dans certains secteurs, notamment liés à la transition énergétique et au recyclage.

Les défis de la réindustrialisation

Malgré des efforts soutenus, la réindustrialisation rencontre de nombreux obstacles. Les données du baromètre Trendeo montrent une baisse des ouvertures de sites industriels de 4 % au premier semestre 2024 par rapport à l’année précédente. En parallèle, les fermetures d’usines ont augmenté de 9 %, ce qui suggère une tendance négative pour le tissu industriel français. De janvier à juin 2024, 61 fermetures d’usines ou d’ateliers de plus de 10 salariés ont été recensées, contre 79 nouvelles ouvertures. Si le solde net reste positif avec 18 ouvertures supplémentaires, il est en nette baisse par rapport à 2023, où le solde s’élevait à 26.

Cette situation est aggravée par une augmentation des faillites, en particulier chez les petites et moyennes entreprises (PME). La Cour des Comptes a récemment critiqué l’insuffisance des mécanismes de détection et de soutien pour ces PME en difficulté. Ces entreprises, pourtant vitales pour l’économie locale, sont souvent les premières à être touchées par les fermetures.

Un mouvement de délocalisations toujours en cours

Le phénomène de délocalisation continue également de peser lourdement sur le secteur industriel français. Des géants comme IBM ont annoncé la suppression de 260 postes en France en 2024 dans le cadre d’une optimisation des centres de services partagés offshore. De même, Stellantis a transféré deux de ses trois lignes de production de boîtes de vitesses à Metz vers l’Inde et l’Italie. Bosch a également délocalisé la production de directions assistées électriques vers l’Europe de l’Est.

Ces décisions ont des répercussions sur l’emploi industriel, accentuant les difficultés économiques dans certaines régions. La perte d’emplois dans des secteurs stratégiques renforce la nécessité pour la France de redoubler d’efforts pour maintenir ses capacités de production sur le territoire national et ne pas perdre davantage de savoir-faire technologique.

Secteurs en croissance : l’énergie et le recyclage en tête

Malgré ces difficultés, certains secteurs se démarquent positivement, notamment ceux liés à la transition énergétique et au recyclage. Ces domaines montrent des signes encourageants de réindustrialisation. Par exemple, le site de Constellium à Neuf-Brisach a renforcé ses capacités de recyclage d’aluminium, témoignant de la vitalité de l’industrie du recyclage en France. Ce secteur représente une opportunité majeure de relance industrielle, en cohérence avec les objectifs de durabilité et de souveraineté économique du pays.

Le projet Hydrovolt, coentreprise entre Norsk Hydro et NorthVolt, illustre également ce dynamisme. Ce site dédié au recyclage de batteries à Hordain (Nord) représente une avancée significative dans le cadre de la transition énergétique. De plus, Enerdigit, une société spécialisée dans l’optimisation de la consommation électrique, s’apprête à ouvrir un atelier à Nantes pour la fabrication de boîtiers de suivi énergétique, participant ainsi à la réindustrialisation du secteur technologique en France.

D’autres initiatives, telles que la construction d’une usine de produits cosmétiques à base d’algues par TechNature en Bretagne, montrent que l’innovation industrielle est bien présente en France. Ces projets, en phase avec les nouvelles exigences écologiques, permettent non seulement de créer de nouveaux emplois, mais aussi de positionner la France comme un leader dans les secteurs clés de l’avenir.

Politiques gouvernementales : des résultats contrastés

La réindustrialisation en France ne serait pas possible sans une intervention gouvernementale forte. Depuis plusieurs années, le gouvernement a mis en place des mesures pour soutenir les investissements industriels et améliorer la compétitivité des entreprises. Le programme France Relance, lancé après la pandémie de Covid-19, et plus récemment France 2030, visent à encourager les projets industriels innovants, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, du numérique, et de la santé.

Cependant, ces politiques peinent parfois à compenser les tendances négatives observées dans certaines branches de l’industrie. Le rapport de la DGE (Direction Générale des Entreprises) souligne que, malgré une amorce de réindustrialisation observée depuis le milieu des années 2010, les crises successives – pandémie, guerre en Ukraine – ont fortement perturbé les chaînes d’approvisionnement et renchéri les coûts des matières premières, retardant ainsi la reprise complète du secteur.

L’un des principaux enjeux pour le gouvernement reste la compétitivité-coût. En effet, le coût horaire de la main-d’œuvre en France reste élevé par rapport à d’autres pays européens comme l’Allemagne, limitant l’attractivité du pays pour certaines entreprises. Cela incite encore certaines industries à se tourner vers des pays à moindre coût de production.

Conclusion : Des perspectives d’avenir à affiner

Le bilan de la réindustrialisation en France pour 2024 est donc contrasté. D’un côté, les fermetures d’usines, les délocalisations et la fragilité des PME continuent d’entraver le redressement du secteur industriel. De l’autre, certains secteurs, notamment ceux liés à l’énergie et au recyclage, affichent des signes encourageants de croissance et de dynamisme.

Les politiques publiques, bien que nécessaires, devront être ajustées pour mieux soutenir les entreprises locales et favoriser une transition industrielle durable. Si la France parvient à surmonter ces défis et à maintenir le cap sur les innovations industrielles, elle pourra solidement s’inscrire dans la dynamique de réindustrialisation en Europe. 

Sources :

  1. Aurélien Delacroix, “Le bilan mitigé de la réindustrialisation en France”, 24 septembre 2024.

  2. P.B. avec AFP, “Usines en France : la réindustrialisation connaît une baisse de régime”, 23 septembre 2024.

  3. “Les Thémas de la DGE, Mai 2024”, Direction Générale des Entreprises.