Trois stratégies distinctives pour assurer la pérennité des fonds de capital-risque d’entreprise (CVC)

Les fonds de capital-risque d’entreprise, connus sous l’acronyme CVC, traversent une phase de transformation. Historiquement, ces fonds étaient perçus comme éphémères, souvent dissous avant même d’avoir pu traverser un cycle complet d’investissement, qui dure généralement entre sept et dix ans. La blague courante suggérait que leur durée de vie moyenne était de quatre ans. Cependant, cette perception est en train de changer. D’après l’enquête annuelle GCV Keystone de 2024, environ 60 % des fonds CVC actifs ont maintenant dépassé cette marque de quatre ans, et un nombre croissant d'entre eux — environ 17 % — ont franchi le cap des dix ans.

Ces unités entrent alors dans ce que GCV appelle la « phase de résilience ». À ce stade, les fonds ont survécu à divers changements internes et cycles de marché. Leur valeur est non seulement reconnue par leur société mère, mais ils sont également moins susceptibles d’être perturbés par des événements internes ou externes, ayant appris à naviguer dans un environnement complexe et souvent instable.

Atteindre la phase de résilience : Trois stratégies pour durer

Pour les CVCs qui cherchent à rejoindre le club des dix ans et plus, il existe plusieurs pratiques qui les distinguent. Grâce à l’analyse des données issues de l'enquête GCV Keystone 2024, voici trois stratégies qui ressortent chez les CVCs résilients.

1. Évolution de la structure de reporting : s’éloigner de la supervision du PDG

L’un des changements notables chez les CVCs en phase de résilience est leur tendance à s’éloigner d’une supervision directe par le PDG. Traditionnellement, beaucoup de fonds CVC étaient sous la responsabilité du PDG, ce qui permettait de démontrer l’engagement de la haute direction envers le programme d’investissement. Cependant, pour les CVCs qui perdurent, seulement 19 % continuent de rendre compte directement au PDG, comparativement à 35 % dans le groupe général. Cette évolution vers une supervision par le directeur de la stratégie (chief strategy officer) ou d’autres postes stratégiques permet aux CVCs de s'aligner davantage sur les objectifs à long terme de l’entreprise tout en bénéficiant d’une plus grande autonomie.

Ce changement de reporting reflète une maturation organisationnelle. En se plaçant sous la responsabilité d’un dirigeant stratégique plutôt que du PDG, les unités CVC peuvent se concentrer sur leur mission principale sans les pressions immédiates de la direction générale, tout en restant alignées sur la stratégie d’entreprise. Cela réduit aussi le besoin d’une supervision constante par la haute direction, permettant aux CVCs de prouver leur valeur par leurs résultats plutôt que par un suivi direct.

2. Intégration des unités opérationnelles dans le comité d’investissement

Une autre pratique clé chez les CVCs résilients est l’implication accrue des unités opérationnelles dans le processus de prise de décision d’investissement. Environ 50 % des CVCs durables incluent des responsables des unités commerciales dans leur comité d’investissement, contre seulement 36 % dans le groupe général. Cette approche permet d’assurer que les investissements réalisés sont alignés sur les besoins concrets de l’entreprise et favorise des synergies entre les startups du portefeuille et les divisions opérationnelles.

L’implication des unités commerciales est cruciale pour maximiser l’impact stratégique des investissements. Cela facilite la création de ponts entre les startups et les opérations courantes de l’entreprise, rendant les innovations plus accessibles et exploitables pour l’ensemble de l’organisation. De plus, cela permet de transformer les relations avec les startups en véritables partenariats opérationnels, augmentant ainsi les chances de succès des projets pilotes et des intégrations technologiques.

À l’inverse, dans les CVCs plus jeunes, la présence du PDG dans le comité d’investissement est souvent plus fréquente, avec 51 % des unités rapportant une telle structure. Si le soutien direct du PDG est précieux pour établir le fonds et donner une impulsion initiale forte, les CVCs plus matures démontrent qu'une approche distribuée de la gouvernance est plus durable sur le long terme.

3. Diversification par des investissements indirects

La troisième caractéristique des CVCs qui atteignent la phase de résilience est leur stratégie d’investissement diversifiée, notamment par l’adoption de positions de partenaire limité (LP) dans d'autres fonds de capital-risque. Environ 59 % des CVCs résilients investissent dans d’autres fonds VC, contre 47 % dans le groupe général. En outre, 66 % des CVCs durables ont des participations dans trois fonds VC ou plus, tandis que cette proportion n'est que de 40 % dans le groupe général.

Cette approche permet aux CVCs de bénéficier d’un effet multiplicateur en accédant à un plus grand nombre d’opportunités d’investissement et en étendant leur réseau dans l'écosystème de l'innovation. En investissant indirectement dans d'autres fonds, les CVCs peuvent également apprendre des meilleures pratiques d'autres investisseurs, diversifier leurs risques et avoir une exposition à des secteurs ou à des stades d'investissement qu'ils ne couvriraient pas autrement directement. Cela crée un effet de levier qui permet aux CVCs de maximiser leur impact stratégique tout en répartissant les risques.

Conclusion

Pour qu'un fonds CVC survive et prospère dans un environnement souvent imprévisible, il doit évoluer au-delà de ses premières années en adaptant sa structure de gouvernance, en impliquant les unités opérationnelles et en diversifiant ses investissements. Ces stratégies permettent non seulement de renforcer la résilience des fonds, mais aussi de les transformer en véritables moteurs d'innovation stratégique pour leur entreprise mère, capables de générer une valeur durable et significative au fil du temps. Pour les CVCs, la clé est d'aller au-delà des simples investissements et de s'intégrer profondément dans la stratégie globale de l'entreprise.